Depuis peu, Pierre Michon apparaît en France comme l'ultime figure du grand écrivain, la dernière incarnation de ce mythe qui a structuré le Lagarde et Michard et électrisé les auteurs désireux d'intégrer le panthéon des hommes de lettres. Toute la promotion des Onze dans les médias a insisté sur la haute valeur de ce livre mince produit par un grand homme cent fois sur le point de tout abandonner. Toute la promotion a insisté sur la qualité supérieure de ce chef-d'oeuvre que l'on a bien failli ne jamais pouvoir lire. On peut certes estimer que le superlatif naturel de la presse écrase tout et que la valse des éloges et des dithyrambes qui a accompagné la sortie des Onze ne vaut rien, ne dit rien, et qu'à la limite la bonne presse de Pierre Michon équivaut au bon accueil que les télévisions privées réservent à l'inoffensif Jean d'Ormesson. Un tel parallèle n'est pourtant pas possible. D'abord parce que la presse a très ouvertement présenté Michon comme un grand écrivain non parmi d'autres mais comme l'un des derniers issus d'une longue tradition. Ensuite parce que sa reconnaissance en tant qu'auteur de premier ordre tend à s'élargir et que pour la plupart de ceux qui en ont été les artisans Michon est incontestablement au-dessus ou au-delà. C'est cette idée qui, semble-t-il, gagne du terrain, infuse la grande presse, et qui explique l'étourdissant succès public du dernier livre sauvé du néant. Comment en vingt-cinq ans un auteur inconnu de la Creuse est-il passé du statut d'écrivain débutant à celui de grand écrivain ? Quels en ont été les étapes ? les moments clés ? les éléments déterminants ? Sept points peuvent être repérés dans cette ascension vers les cimes de la haute réputation, sept étapes, sept stations, qui rappellent que le talent, le génie, s'il est nécessaire, n'est jamais suffisant. La place de chaque grand auteur dans l'histoire littéraire, toujours mouvante, est liée à la qualité des textes produits mais aussi aux conditions de leur réception. Chaque itinéraire est singulier, celui de Pierre Michon est particulièrement instructif : il révèle ce qui est déterminant aujourd'hui dans la manière dont la grande littérature peut s'imposer. Pour Pierre Michon, nul doute qu'il ne s'agisse là d'un vrai combat. Dans son discours sur toutes ces questions la métaphore guerrière n'est jamais loin.
Olivier Bessard-Banquy. Reconnaissance de Pierre Michon. Pierre Michon, La lettre et son ombre, 2013. ⟨hal-02521424⟩ - lien externe
Citations
Bessard-Banquy, O. (2013). Reconnaissance de Pierre Michon. https://hal.science/hal-02521424v1
Bessard-Banquy, Olivier. Reconnaissance De Pierre Michon. Jan. 2013, https://hal.science/hal-02521424v1.
Bessard-Banquy, Olivier. 2013. “Reconnaissance De Pierre Michon.” https://hal.science/hal-02521424v1.
Bessard-Banquy, O. (2013) “Reconnaissance de Pierre Michon.” Available at: https://hal.science/hal-02521424v1.
BESSARD-BANQUY, Olivier, 2013. Reconnaissance de Pierre Michon [en ligne]. January 2013. Disponible à l'adresse : https://hal.science/hal-02521424v1