Ces dernières décennies, le paysage a constitué un champ d’action et de recherche porteur de manières alternatives de penser et de faire, fondées sur une coappréhension des dimensions écologique, socioculturelle et esthétique des espaces de vie, ainsi que sur la prise en compte des liens noués dans la durée entre les sociétés et leurs environnements (Berque, 1990 ; Bertrand et Bertrand, 2002). Le paysage est devenu l’une des notions clés autour desquelles se sont construites des interfaces entre les disciplines scientifiques, participant ainsi à la connaissance des environnements, de l’espace et des territoires (Bertrand et Briffaud, 2011 ; Davasse, 2015). Il s’est simultanément imposé comme une alternative à une fabrique territoriale trop souvent enfermée dans des recettes fonctionnalistes et peu résistantes aux logiques financières et marchandes (Marot, 1995 ; Auricoste, 2003). Il a enfin été l’un des principaux espaces dans lesquels s’est affirmée la nécessité de redonner au citoyen et à l’habitant le pouvoir de participer à la conception de son cadre de vie (Jones, 2007 ; Olwig, 2007 ; Luginbühl, 2012). Pourtant, aujourd’hui l’action paysagère n’est plus sur le devant de la scène territoriale et environnementale, supplantée par des approches sectorielles qui aboutissent à une vision bien trop segmentée des problématiques en présence. Ces approches ne proposent le plus souvent qu’une fausse alternative entre aménagement/exploitation et protection/compensation à des problématiques qui sont à la fois écologiques, sociales et énergétiques (Davasse et Henry, 2015). Dans ces approches, le paysage est le plus souvent cantonné à ses seules dimensions visuelles, esthétiques et récréatives. Au mieux, il est considéré comme une simple aménité fournissant un « service » aux écosystèmes. Au pire, on lui fait jouer un rôle ambigu dans des conflits où il devient l’un des principaux arguments opposable à la mise en œuvre de nouvelles infrastructures énergétiques, y compris, et de façon paradoxale, quand celles-ci servent des objectifs environnementaux (Nadaï et Labussière, 2014). Il y a pourtant aujourd’hui un enjeu fort à repositionner le paysage en notion transversale, capable de répondre aux défis des transformations écoclimatiques, spatiales et sociales auxquelles sont confrontés nos sociétés et nos territoires soumis à des changements globaux. Fort de ce constat, ce dossier thématique propose d’effectuer un bilan des travaux conduits depuis maintenant plus de deux décennies dans le champ de la médiation paysagère et de proposer, sur ces bases, des perspectives visant à élargir et à renouveler les approches développées jusqu’alors. De fait, il s’agit d’effectuer un retour réflexif, le plus large possible, sur des démarches de recherche et d’action faisant du paysage et des dynamiques paysagères le support d’une médiation, c’est-à-dire à la fois (i) le terrain d’une mise en débat des politiques territoriales et (ii) l’espace d’une réflexion partageable entre acteurs publics, privés et de la société civile permettant d’agir collectivement dans un monde complexe et incertain. L’enjeu est de contribuer à développer à l’échelle locale des projets éco-socio-spatiaux fondés sur une prise en compte des savoirs et des savoir-faire locaux, des interrelations entre les humains et les non-humains, sur une cocompréhension des situations rencontrées et des comportements associés et sur une coélaboration de réponses adaptées.
Benjamin Chambelland, Bernard Davasse, Camille Noûs. Paysage(s) en partage. Vingt ans de médiation paysagère entre théorie et pratique : bilan et perspectives. Projets de paysage. Revue scientifique sur la conception et l'aménagement de l'espace, 26, 2022, ⟨10.4000/paysage.29100⟩ - lien externe. ⟨hal-03811501⟩ - lien externe
Citations
Chambelland, B., Davasse, B., & Noûs, C. (2022). Paysage(s) en partage. Vingt ans de médiation paysagère entre théorie et pratique : bilan et perspectives. In Projets de paysage. Revue scientifique sur la conception et l'aménagement de l'espace. https://dx.doi.org/10.4000/paysage.29100
Chambelland, Benjamin, et al. “Paysage(s) En Partage. Vingt Ans De Médiation Paysagère Entre Théorie Et Pratique : Bilan Et Perspectives.” Projets De Paysage. Revue Scientifique Sur La Conception Et l'Aménagement De l'Espace, Jan. 2022, https://dx.doi.org/10.4000/paysage.29100.
Chambelland, Benjamin, Bernard Davasse, and Camille Noûs. 2022. “Paysage(s) En Partage. Vingt Ans De Médiation Paysagère Entre Théorie Et Pratique : Bilan Et Perspectives.” Projets De Paysage. Revue Scientifique Sur La Conception Et l'Aménagement De l'Espace. https://dx.doi.org/10.4000/paysage.29100.
Chambelland, B., Davasse, B. and Noûs, C. (2022) “Paysage(s) en partage. Vingt ans de médiation paysagère entre théorie et pratique : bilan et perspectives,” Projets de paysage. Revue scientifique sur la conception et l'aménagement de l'espace. Available at: https://dx.doi.org/10.4000/paysage.29100.
CHAMBELLAND, Benjamin, DAVASSE, Bernard and NOÛS, Camille, 2022. Paysage(s) en partage. Vingt ans de médiation paysagère entre théorie et pratique : bilan et perspectives [en ligne]. January 2022. Disponible à l'adresse : https://dx.doi.org/10.4000/paysage.29100